Troupe du Théâtre à la Source
Mise en scène collective coordonnée par
Pierre-Alain Clerc et
Mickaël Bouffard
La présente mise en scène de L’École des Femmes repose sur la conviction que cette œuvre vieille de plus de trois siècles trouve une nouvelle et pleine résonance pour le spectateur d’aujourd’hui dans une démarche qui vise à retrouver les conditions et les techniques de jeu du xviie siècle. « Historiquement informé », ce projet s’appuie systématiquement sur les sources disponibles.
Sept chantiers ont été entrepris :
Dans le cadre de la prononciation conventionnelle de la déclamation, allégée pour la comédie, on s’est attaché à reproduire le « bon usage » de 1660 (Horace, Chrysalde), mais aussi à prêter à certains personnages des usages plus archaïques (Arnolphe), pédants (le Notaire) ou de « mauvais usages » (Alain et Georgette).
Selon le discours et les figures de style, la voix varie en vitesse, hauteur et énergie. Ce travail s’appuie essentiellement sur les traités de rhétorique du xviie siècle.
Le jeu attesté par les sources de l’époque et par une tradition prolongée au xviiie siècle est celui dit en bas-relief, les personnages disposés sur une même ligne, ce qui n’exclut nullement les déplacements et le mouvement. C’est un jeu non pas frontal, mais de trois-quarts : le corps tourné vers l’interlocuteur, la tête vers le public quand l’acteur parle, vers l’interlocuteur quand il écoute. En règle générale, les pieds sont tournés en dehors, conformément aux normes de la posture aristocratique dite croix scénique ; les pieds parallèles ou en dedans sont des effets comiques réservés par exemple aux paysans.
Les traités de civilité, les témoignages sur le jeu de la troupe de Molière et divers traités sur l’action du comédien et de l’orateur nous renseignent sur les gestes à prêter aux divers personnages : gestes conformes à la norme distinguée, mais aussi gestes incivils, vulgaires ou obscènes. La manière de faire la révérence ayant varié entre 1660 et 1680, c’est celle de 1660 qui a été reconstituée.
Molière et sa troupe ont beaucoup emprunté au jeu des Italiens, avec qui ils partageaient le théâtre du Palais-Royal (coups de pieds au cul, gestes inconvenants, grimaces, chutes, etc). Nous avons donc utilisé certains lazzi ainsi que des jeux de scène spectaculaires attestés par les témoignages, par exemple Arnolphe jetant de rage son manteau dans la boue.
Jusqu’au xixe siècle, pour toutes les pièces de théâtre, les entractes étaient occupés par de la musique. Au xviie siècle, on jouait des danses à la mode ou des airs de ballets de cour récents, sans rapport avec l’action de la pièce. Chez Molière, en 1662, les interprètes étaient une bande de quatre « violons » (dessus, haute-contre, taille, basse) jouant en tenue basse et avec l’archet xviie manié à la française, sans clavecin ni théorbe. Nous avons rassemblé un choix de partitions revues ou complétées à cette fin.
Des recherches minutieuses ont permis de s’approcher avec vraisemblance des costumes des représentations du temps de Molière. Les costumes aident là encore à caractériser les personnages : dernière mode pour Horace et Chrysalde, archaïque pour Arnolphe, espagnol pour Enrique, etc. Les costumes de paysans ne sont pas réalistes, mais conformes aux informations données par les inventaires après-décès de comédiens. Ont également été utilisés des patrons anciens, des traités sur l’art du tailleur, une large palette de sources iconographiques, registres de comptes, etc.). Les costumes sont faits à la main dans les matières naturelles brillantes utilisées jadis à la scène (satin, velours, moire, passementeries de métal, etc.).
Le décor a été conçu d’après le tableau des Farceurs français et italiens depuis 60 ans et plus sur le Théâtre Royal en 1670, en corrélation avec les traités de scénographie et de perspective de Sabbattini et Du Breuil. C’est lui qui a été choisi comme modèle idéal de « carrefour comique », puisqu’on y voit Molière dans son costume d’Arnolphe. Ce type de décor d’une place de ville se prêtait à un très large répertoire. Les décors sont en ce moment en cours de réalisation, de façon artisanale comme à l’époque : toile de lin peint à la détrempe (colle de peau de lapin) cloué au fer sur des châssis de pin en L, chantournés de découpes en tilleul. Seules concessions à l’époque actuelle : les toiles seront ignifugées et un faux plancher donnera l’illusion d’une scène de planches.