Vers comique : débit, tessiture, dynamique

Bossuet

Depuis l’Antiquité, les traités d’action oratoire enseignent l’art de persuader, par la prononciation éloquente d’un discours bien composé. Le savoir-faire du comédien rejoint celui du prédicateur et de l’avocat. Si la comédie connaît un ton plus léger que celui exigé par ce que Racine appelle la « majestueuse tristesse qui fait tout le plaisir de la tragédie », les trois paramètres de base sont les mêmes : débit, tessiture, dynamique, avec tous leurs degrés possibles.

La comédie se dit plus vite que la tragédie (un peu moins de deux heures, donc, pour environ 1900 vers, si l’on en croit l’estimation de Corneille). Pour le père Mersenne, si la durée moyenne d’un alexandrin est de quatre secondes, on peut prononcer plus lentement ou plus vite, selon les nécessités de l’action, le débit de sept syllabes à la seconde constituant une limite infranchissable.

Le père Michel Le Faucheur exige des orateurs une voix « claire et forte », « distincte et bien articulée », mais que l’on peut rendre aussi « douce et agréable ». Il faut travailler sa respiration car les périodes* prononcées d’un seul souffle ont beaucoup plus de grâce que celles qui sont entrecoupées. Il exclut la prononciation trop égale, source de monotonie et d’ennui. Il demande de la « variation » dans la voix, et ceci sous plusieurs modalités différentes :

Comme exemple de figure, citons une expolition d’Horace (Acte III, scène 4, v. 896-909). Il s’agit d’affirmer une proposition, d’abord simplement, puis de la répéter de diverses manières en modifiant les mots, le débit, la tournure comme l’enseignait déjà Cicéron. Cette figure développée se hisse au rang de procédé argumentatif. Horace, citant Corneille, affirme à Arnolphe : « Il le faut avouer, l’amour est un grand maître. » Il en donne la raison : « Ce qu’on ne fut jamais il nous enseigne à l’être » et la confirme : « Et souvent de nos mœurs l’absolu changement / Devient par ses leçons l’ouvrage d’un moment. » Il orne : « De la nature en nous il force les obstacles, / Et ses effets soudains ont de l’air des miracles. » Il donne un exemple en montrant des contraires : « D’un avare à l’instant il fait un libéral : / Un vaillant d’un poltron, un civil d’un brutal. » Il conclut en résumant : « Il rend agile à tout l’âme la plus pesante, / Et donne de l’esprit à la plus innocente. » Par une grammaire bien construite, bien prononcée, la voix doit varier et façonner (par son débit, par ses couleurs, par l’art de grouper les idées) toutes les étapes de ce raisonnement, de son énoncé à sa conclusion. En substance, Le Faucheur nous dit qu’il faut trouver la voix convenable pour la chose signifiée.

*Définitions

Aposiopèse : Interruption brusque du propos, causée par l’émotion trop forte de l’orateur.

Confirmation : Après l’exorde et la narration, troisième partie du discours, celle où l’orateur argumente, positivement et négativement.

Confutation : Partie du discours où l’orateur contredit lui-même son argumentation.

Exorde : Introduction du discours, où l’orateur tente souvent de capter l’attention et la bienveillance de son auditoire, et présente le sujet de son discours.

Oraison : Discours, harangue, plus spécialement celle du prédicateur.

Période : Suite de phrases à mouvement circulaire et bien rythmée, présentant une argumentation complète et cohérente.

Péroraison : Conclusion, dernière partie du discours.

Proposition : Sujet du discours, énoncé de manière ramassée avant de le prouver par l’argumentation des parties suivantes.

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