Le geste accompagne la voix. Il souligne pour l’œil ce que la voix énonce pour l’oreille. Celui du comédien n’est presque jamais évoqué par les sources, au contraire de celui du prédicateur, très précisément décrit dans les traités d’art oratoire.
Dans les années 1580, Montaigne annote ainsi un passage de ses Essais :
Quoi des mains ? nous requerons, nous prometons, apelons, congedions, menaçons, prions, supplions, nions, refusons [etc., il y a quarante-sept termes !]. De la teste […]. Quoi des sourcils, quoi des espaules ? Il n’est mouvemant qui ne parle et un langage intelligible sans discipline, et un langage publique.
En 1644, le médecin anglais John Bulwer a publié Chironomia et Chirologia, deux traités dont les descriptions et les planches peuvent être très utiles au comédien.
En 1657, Michel Le Faucheur explique que le geste est plaisant parce qu’il fait passer avec efficacité les pensées et les passions de l’orateur, et donc du comédien, de son esprit en celui des auditeurs. Le geste, dit-il, est la vie, le mouvement de la parole. Il concerne corps, tête, yeux, sourcils, visage, et finalement mains et doigts. Ainsi, par exemple :
Les mains restent néanmoins le principal instrument de geste. Elles servent à appeler, congédier, promettre, menacer, supplier, admirer, jurer, soit représenter la plupart des choses dont nous parlons. Elles marquent l’horreur, la crainte, l’interrogation, la négation, la joie, la tristesse, le doute, l’aveu, le repentir, la pudeur, la mesure, la quantité, le nombre, le temps. Le Faucheur donne dix-sept règles pour les mains, notamment :
René Bary donne vingt descriptions du geste. Pour le sermon d’Arnolphe, on peut recourir à celui du « Doctrinal » : assis, ce qui est une marque de supériorité, on penche un peu le corps vers l’auditoire en signe de modestie, on étend un peu le bras, et on courbe un peu l’index vers le pouce ; il ne serait pas « naturel » de rester immobile et droit comme un pilier. Le recours geste du « Fondamental » est idéal pour faire ressortir l’ineptie des assertions d’Arnolphe : il veut « que le bras étendu s’élève et s’abaisse, parce que cette action marque la solidité de la chose. »
Le geste accompagne constamment le propos, il seconde la voix, permettant de visualiser ce qu’expriment les figures, montrer les gradations, les contraires, les oppositions, les symétries. Il indique, par l’index, les mots importants. L’index se lève pour prononcer une sentence. Le caractère des personnages de comédie est fortement révélé par la nature de leurs gestes, qui peuvent être caricaturaux. L’orateur sacré, au contraire, ne doit jamais sortir de la bienséance.
René Bary, Méthode pour bien prononcer un discours, et pour le bien animer, Paris, Denis Thierry, 1679.
John Bulwer Chirologia … whereunto is added, Chironomia, Londres, Tho. Harper, 1644.
Michel Le Faucheur, Traité de l’action de l’orateur ou de la prononciation et du geste, Paris, Augustin Courbé, 1657, dans Sabine Chaouche, Sept traités sur le jeu du comédien et autres textes : de l’action oratoire à l’art dramatique, Paris, Champion, 2001, p. 41-150.